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      Constat de décès du marxisme politique.


           Au sujet de l'article du Monde diplomatique, octobre 2007, "Un autre marxisme pour un autre monde."

          Il faut tout d'abord reconnaître à l'article de MM. G. Duménil & J. Bidet une qualité, celle de rompre avec le catéchisme de l'opposition binaire entre ploutocrates et prolétaires, opposition que son simplisme a disqualifiée depuis longtemps en tant que moteur principal de l'évolution politico-sociale de la société française contemporaine. L'introduction des "cadres-et-compétents" est donc une tentative louable pour renouveler l'analyse, pour soigner la schizophrénie qui faisait ignorer la réalité sociologique des classes moyennes par défaut de conformité à la théorie. Toutefois, les contours de ce groupe -  qu'il semble difficile de qualifier de classe - sont extrêmement flous. S'agit-il de tous ceux exerçant une responsabilité dans le système productif ? Du Pdg salarié à l'agent de maîtrise ? Ou bien s'agit-il de tous les "collabos" qui jouent le jeu du système capitaliste tempéré à la française et tentent d'y améliorer leurs positions, ce qui inclurait la majeure partie du secteur public ? Ou bien encore s'agit-il alors de ceux qui s'accommodent plus ou moins du Système et ont abandonné toute velléité révolutionnaire, ce qui inclurait une fraction de la classe ouvrière ? On a du mal à imaginer ce que peut être la "conscience de classe", au sens marxiste du terme, de cette foule...

           Ce que l'article passe totalement sous silence, c'est la faillite complète de la thèse selon laquelle le capitalisme s'effondrerait sous ses propres contradictions. A l'échelle de la planète, la dynamique libérale est aujourd'hui extrêmement puissante et le capitalisme prospère, avec son flot d'inégalités certes, et malgré les crises financières qui font régulièrement toussoter le système (guère plus). En tout cas, l'effondrement ne semble pas imminent et le flux des richesses produites, très concrètes, grossit et irrigue une fraction croissante de la population mondiale au lieu de se tarir.
           Mais une fois cette fin de l'Histoire escamotée, que reste-t-il de la perspective marxiste ? Que devient le système productif socialiste, dont la raison d'être était de pallier aux contradictions du système capitaliste, dès lors que la dynamique interne de celui-ci lui permet non seulement de survivre à ses contradictions, en lui garantissant stabilité à long terme, mais lui permet même d'arracher à un sous-développement atroce des centaines de millions d'asiatiques ?

           Les auteurs souhaitent voir les "classes fondamentales" (pourquoi ne parle-t-on plus du prolétariat ? ringard ?) reprendre l'avantage dans la lutte politique. Soit, mais pour quels objectifs ? Lutte de celui qui n'a pas grand chose contre celui qui a plus ? Soit, mais inutile d'être marxiste pour jouer encore et encore cette pièce éternelle. Ou bien lutter pour lutter ? On retrouve la sublimation de la lutte qui a cours dans les organisations révolutionnaires françaises et une partie du monde syndical, où la lutte est élevée au rang de principe autonome, auto-justifié, comme une certaine conception assez étroite de l'honneur ou du lignage dans d'autres couches sociales. Chacun fait ce qu'il peut pour donner un sens à sa vie...

           Un point important, que les auteurs évitent soigneusement, est que ce groupe des "cadres-et-compétents", quelles qu'en soient les frontières précises, est de loin le plus nombreux parmi les trois sur lesquels repose l'analyse de l'article. Il n'a pas attendu les "classes fondamentales" et n'a pas besoin d'elles pour faire émerger et réaliser des options politiques (multiples et même contradictoires, du fait de son hétérogénéité) dans les domaines "du rapport des sexes, de l'écologie, du travail, de la santé, de l'éducation, de la recherche, de l'urbanisme, etc...", renouvelant ainsi le contenu politique de "la gauche", et dans une moindre mesure, de "la droite".
          Comment les "classes fondamentales" pourraient-elles alors construire une alliance avec les "cadres-et-compétents" dans laquelle elles seraient autre chose que des supplétifs, alors qu'elles ne peuvent plus fournir ni les bataillons, ni la perspective historique ?
          En réalité, venant après la lente agonie du "socialisme réel" qui a distillé ses trahisons successives pendant 70 ans, cette reconnaissance tardive et bricolée d'une troisième classe, par tout ce qu'elle implique sans que cela soit explicité, c'est le point final du constat de décès du marxisme politique.

           *** Article publié le 28 octobre 2007 ***

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